2011

Ce qui suit est un message à caractère prosélyte.

Lâchez Breaking Bad, Game of Throneset Mad Men ! Pour tous les passionnés de séries télévisées ou de cinéma ne sachant plus quoi faire de leur morne vie après la fermeture de Megaupload par le FBI, je vous conseille sans réserve de suivre au jour le jour les primaires républicaines. Que de rebondissements ! Pour les personnes regardant quotidiennement le Daily Show, ce n’est que du bonheur ! Vous vous souvenez peut-être de Rick Santorum, l’allumé ultra-catholique abonné chez Damart qui avait perdu les caucus se déroulant dans l’Iowa à huit voix près ? Eh bien, en réalité, il a gagné avec 34 voix d’avance sur Mitt Romney (quelqu’un peut également suggérer de recompter les voix pour la Floride en 2000 ?) ! Jon Hunstmann s’est retiré et il soutient désormais son copain mormon Mitt Romney. Quant au Texan Rick Perry, le type qui ferait passer Bush pour Socrate et Platon réunis, il se retire également mais il a décidé de soutenir Newt Gingrich. Ajoutez à tout ce bordel sans nom des débats tous les deux jours, des publicités féroces (ces types sont pas censés être membres du même parti ?), des petites phrases, du sexe, de la drogue, des flingu…Mais je m’égare. Un peu. Prochain épisode ? La Caroline du Sud. Un pronostic ? Une boucherie !

Des rebondissements, le suédois nous en ont aussi à revendre. Saga littéraire à succès en trois volumes du regretté Stieg Larsson (en même temps, tout ce qui vient de là-bas a la fâcheuse habitude de nous parvenir en kit), Millenium s’était déjà vu adapté au cinéma puis en série télévisée dans ses contrées originelles dès 2009, et ce avec une certaine réussite du point de vue commercial. Lorsque Columbia annonça à son tour sa volonté d’en faire une version américaine mais où l’action se déroulerait encore en Suède, les réactions ne furent pas très chaleureuses et on vit cela, à juste titre, comme une preuve de plus de l’arrogance d’Hollywood dont le message pourrait se résumer à « Cassez-vous de là et laissez faire les pros ! ». Sauf que cette fois, au lieu d’embaucher un yes man, Columbia annonça que le réalisateur à la baguette serait David Fincher. « En même temps, elle n’était pas si bien que ça l’adaptation suédoise… »

Si, par miracle, vous avez trouvé les moyens d’échapper à Milleniumou si comme moi vous ne vous souvenez seulement de la trame d’un bouquin entre le moment où vous avez fini la dernière ligne et le moment où vous le refermez, voici un petit récapitulatif. Obsédé par la mort de sa nièce Harriet dans les années 1960, Henrik Vanger charge le journaliste Mikael Blomkvist de poursuivre l’enquête qu’il n’a jamais réussi à faire aboutir. Une seule chose est sûre pour lui : celui ou celle qui l’a tuée est un membre de sa famille. Durant son enquête, Blomkvist finit par s’adjoindre les services d’une as de l’informatique, Lisbeth Salander. Dire que cette dernière a quelques difficultés à vivre en société serait un doux euphémisme.

Démarrons par répondre à la question qui vient directement à l’esprit : cela valait-il vraiment le coup de nous infliger une nouvelle version de Millenium ? La réponse est oui. Mille fois oui même. Je n’ai qu’un vague souvenir du premier tome et je n’ai retenu du film suédois que sa lenteur même si la Lisbeth de Noomi Rapace valait à elle seule sa vision. Ici, dès le générique de début hypnotique et réminiscent des plus belles heures de James Bond, on sait que David Fincher ne va pas se contenter de réaliser un remake plan par plan. Tout ici semble un peu plus vif et nerveux. La fin du film venue, le choix de Fincher de réaliser Millenium devient encore un peu plus évident compte tenu des thèmes qui y sont explorés. Obsession pour une énigme insoluble (Zodiac), ambiance glauque et serial-killer (Seven), insoumission et rébellion face à l’autorité et l’ordre établi (Fight Club), isolement du reste du monde (Alien 3, Panic Room), sensation de se faire manipuler (The Game), révolution engendrée par l’usage de l’informatique (The Social Network) : Milleniumest la synthèse du cinéma de Fincher sans que le réalisateur ne tombe dans la redite pure et simple. La filiation la plus immédiatement perceptible se trouve du côté de Seven et Zodiac jusque dans la forme qui marie la sobriété du dernier et l’esthétique fin du monde du premier (la neige de Millenium semble ici remplacer la pluie de Seven). Chose rare pour un thriller, la saga Millenium doit une large part de sa notoriété au personnage de Lisbeth, la hackeuse gothique, sociopathe et bad-ass - la combinaison fait rêver le geek qui sommeille en chacun de nous ! Rooney Mara, déjà aperçue dans The Social Network, n’a rien à envier à Noomi Rapace et j’irai même jusqu’à affirmer qu’elle la surpasse. L’autre grande satisfaction est de voir enfin Daniel Craig se démarquer du rôle de James Bond dans un film réussi (ceux ayant vu Cowboys et Envahisseurset Dream House comprendront). On pourra cependant reprocher à Millenium son intrigue pas forcément à la hauteur de ses personnages, sa fin s’étirant plus que nécessaire (défauts déjà présents dans le livre cependant) et la musique d’Atticus Ross et de Trent Reznor un peu moins marquante que dans The Social Network (à l’exception du générique reprenant Immigrant Song et de She Reminds Me of You, mélodie glaçante accompagnant l’arrivée de Blomkvist à Hedestad). Avec ce huitième long-métrage, Fincher continue sa carrière sans fausse note. Malheureusement, aux dernières nouvelles, il ne souhaiterait pas réaliser les deux suites.  A Columbia de trouver un remplaçant à la hauteur. Etre responsable des ressources humaines n’est décidément pas chose aisée de nos jours.

Note : 8/10